Login

Des végétaux et des concepts pour un jardin économe en eau

Être facile, économe, attractif et sans souci : telle est l'ambition du nouveau jardin. La station d'expérimentation horticole Ratho, à Brindas dans le Rhône (69), met en oeuvre des essais pour trouver les végétaux et les solutions techniques appropriés.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Aujourd'hui, le jardinier, novice ou amateur éclairé, exige une satisfaction immédiate au jardin et ne s'intéresse guère qu'aux plantes qui font de l'effet, réellement florifères durant la saison, et qui demandent le minimum d'entretien, en particulier au niveau des arrosages et des traitements phytosanitaires. La station d'expérimentation horticole Ratho (membre du réseau Astredhor) a mis en oeuvre trois principaux essais en vue de présenter à ses adhérents producteurs et responsables d'espaces verts des techniques de plantation économes en eau, et de les aider à choisir parmi la multitude de cultivars nouveaux des plantes éprouvées « sans souci », sans être forcément résistantes à la sécheresse.

1 NOUVELLE GÉNÉRATION DE POTS À RÉSERVE D'EAU.

Chaque année depuis plus de dix ans, l'essai classique, voire « historique », de la station concerne les nouveautés d'annuelles lancées par les obtenteurs et distributeurs avec une large palette variétale « horticole » (en moyenne un millier d'hybrides et cultivars testés) dans des pots de 20 litres à réserve d'eau, en hors-sol, sur plate-forme extérieure. Objectif : envisager leur comportement en conditions urbaines (balcons, terrasses) sur une saison estivale.

Cette année, le nombre de cultivars a été réduit à environ 400 plantes parce qu'un nombre d'espèces n'est visiblement pas adapté à la culture en pot, même de grand volume. Par ailleurs, cet essai consacré aux nouveautés est « mis au régime sec », dans le sens où la station pilote ses irrigations en n'arrosant qu'une fois par semaine, même en plein été, pour juger du comportement des plantes et pourvoir garantir « du beau sans contrainte ». Pour cela, elle opte pour des solutions hors-sol à réserve d'eau. L'essai s'avère très satisfaisant. Cette année, il est complété par un test consacré à la poterie, mis au point en partenariat avec la firme Soparco. Le but est d'éprouver une évolution du concept de pot à réserve d'eau, pratique et simple d'emploi, permettant d'optimiser la gestion des ressources en eau à faible coût, et de récupérer les engrais (drainés, en excès, lessivés).

Le concept est transposable chez le producteur, les paysagistes et collectivités, mais aussi chez l'amateur. Il s'agit d'un kit avec une sorte de « surpot » prêt à poser : l'ensemble donne un dispositif prévoyant 20 litres de terreau pour la plante et 5 litres de réserve d'eau. Un système de trop-plein ménage un espace formant un coussin d'air sous la plante (sous les racines de la plante et au-dessus du niveau d'eau) pour ne pas provoquer d'asphyxie racinaire. Ce prototype a réussi sa phase d'étude technique in situ. Soparco a lancé une étude de marché. Elle pourrait déboucher sur une version commercialisable – la société propose déjà une suspension Ondine avec 6 l de terreau et 2 l de réserve d'eau. Elle produit également, sur commande, des pots en plastique avec certains trous bouchés et un fond type réserve d'eau.

2 DES ESSAIS DE JARDINS BIO.

Le deuxième essai met en oeuvre des « carrés bio », mini-jardins de 1,20 x 1 mètre, eux aussi arrosés une seule fois par semaine. Cet espace permet, depuis deux ans, de tester quelque 320 plantes, des nouveautés végétales, plutôt des espèces dites « de pleine terre » en mélanges fleuris. Il inclut près de 90 % de plantes et de fleurs comestibles ou médicinales, pour un jardin fleuri et gourmand à la fois. Un intermédiaire entre le potager d'autrefois, l'esthétique en plus, et le jardin de fleurs. Avec également des espèces favorables à l'implantation naturelle d'une faune auxiliaire locale. Cet essai de jardins bio permet aux professionnels de juger du comportement des espèces et des associations.

Ces carrés sont arrosés avec des microgoutteurs pour petites surfaces mis au point en partenariat avec la société Netafim. La gaine a été conçue pour être facile à installer et à enlever afin de pouvoir travailler le sol et planter. Placés en surface, ces micro-goutteurs permettent de répartir l'arrosage, de limiter les pertes par drainage et d'économiser l'eau. Ce type de jardin se veut écologique, car aucun traitement phytosanitaire ne lui est appliqué.

Le substrat a été choisi avec 30 à 40 % de compost issu de déchets recyclés, mélangé à de la terre de jardin. Systématiquement, une fertilisation organique d'entretien (100 g/m2) est incorporée au moment de la préparation du sol avant plantation. L'étude des fumures organiques est confiée au laboratoire Frayssinet, qui développe avec le Ratho un concept tout en un pour les jardineries. Un mulch superficiel (en coques de caco, déchets de miscanthus et de tonte) évite la pousse d'herbes adventices.

3 DES ESSAIS DE MINIJARDINS CONTEMPORAINS SANS ENTRETIEN.

Un troisième essai est consacré aux « jardins contemporains », à travers une sélection de végétaux associés pour un effet décoratif « 4 saisons », c'est-à-dire permanent. L'essai a déjà trois ans de recul. La palette variétale comprend 1 000 taxons d'arbustes, vivaces, feuillages, fleurs, plantes aquatiques... adaptés aux petits espaces. Là, pas de frontière, la station associe des plantes de pépinière, des bulbeuses, des plantes « horticoles », « sauvageonnes » et quelques plantes à fleurs et/ou fruits comestibles (comme l'Agastache). « Nous avons composé des minijardins esthétiques toute l'année, en associant des plantes qui n'auraient aucun intérêt toute seules, en pot, ou qui n'ont pas donné d'effet seules dans notre essai de nouveautés. Ces compositions mixtes peuvent redonner un intérêt à certaines plantes de pépinière », assure Serge Lepage.

La majorité des plantes reste en place d'année en année. Quelques-unes peuvent être renouvelées en fonction des besoins et des envies : enlever une espèce trop envahissante, mettre des annuelles pour introduire de la couleur...

Une trentaine d'espèces de plantes épuratrices, sélectionnées au départ pour les piscines naturelles, sont intégrées au décor pour leur aspect graphique : elles assurent aussi l'équilibre de l'eau des bacs (réserve provenant des eaux de pluie des toits de la station). Le substrat est celui mis au point en partenariat avec Dumona pour la végétalisation extensive des terrasses. Il est composé à 30 % de matière organique type écorce et tourbe neutralisée, et à plus de 70 % de pouzzolane, qui offre l'équivalent d'une cinquantaine de litres de réserve d'eau supplémentaire. La nappe Covernet, issue également des travaux du Ratho, menés en partenariat avec Texinov et Netafim, assure la répartition de l'eau, l'ancrage et la respiration des racines. Un trop-plein indispensable évite les risques d'asphyxie racinaire et la transformation du bac en bassin. De plus, il est possible de relier les bacs entre eux avec des bacs aquatiques servant de réserve d'eau purifiée afin d'éviter les mauvaises odeurs...

Avec l'eau de pluie récupérée sur les toits et les serres et avec la pluviométrie locale, le Ratho n'arrose que sept fois par an maximum. Deux apports d'engrais organiques en surfaçage sont effectués annuellement avec de l'Everset (équilibre 7-3-7, de Frayssinet), à raison de 100 g/m2. Ici également, pas de contraintes : pratiquement pas d'entretien ni de désherbage, pas de déchets, pas de traitements phytosanitaires. Sous les bacs, il est possible de prévoir un isolant et des roulettes pour créer des jardins déplaçables. « Avec la culture sur pouzzolane, on pourrait même aller jusqu'à assurer une garantie décennale », affirme Serge Lepage. « Nous proposons ici aux pépiniéristes une gamme végétale qui a prouvé sa tenue. » Ce concept valorise toutes les espèces d'annuelles invendables car peu attractives en jardinerie. Certaines apportent un effet de structure à l'ensemble en hiver, en particulier les arbustes, même sans leur feuillage. D'autres valorisent la composition avec leurs couleurs d'automne. Chacune trouve sa place et apporte sa valeur ajoutée. Chaque jardin reste esthétique.

Le concept, facile à mettre en oeuvre, est aussi une solution pour les services espaces verts. « Il n'y a pratiquement plus d'espaces pour des jardins de pleine terre dans les villes et ceux qui existent encore n'ont pas forcément une valeur agronomique suffisante pour assurer une bonne survie des végétaux. Ce concept convient par ailleurs très bien pour du fleurissement événementiel mobile, toujours sans avoir à se soucier de la gestion des arrosages », poursuit Serge Lepage.

Ces essais sont montrés aux professionnels (producteurs, paysagistes, collectivités) lors des journées portes ouvertes de la station en juin, puis ils sont à nouveau présentés en septembre pour que chacun puisse juger du comportement des variétés en fin de saison estivale. Le public est ainsi invité à élargir ses connaissances sur l'évolution de l'horticulture et des jardins.

Odile Maillard

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement